mercredi 12 octobre 2016



Il était une fois ...

Il était une fois un petit faon appelé Tex qui vivait avec sa maman dans une forêt enchantée.
Les arbres gigantesques apportaient leur ombre rafraîchissante en été et en hiver ils permettaient à tous les animaux de s'abriter de la neige et du froid. Les buissons et l'herbe en sous bois constituaient une source inépuisable de nourriture dont Tex et sa maman se repaissaient en toutes saisons. Il y avait aussi des fruits, des baies et des mures délicieuses qui avaient la préférence de Tex.
Repu de tant d'abondance, il s'allongeait et faisait de petites siestes, l'esprit vaguement aux aguets. Au réveil il avait encore parfois quelques difficultés à se dresser sur ses quatre pattes mais rapidement son entrain naturel le poussait à gambader et à faire des sauts prodigieux qui faisaient l'admiration de Daisy, sa maman.
Les jours s'écoulaient paisibles et Tex grandissait, au fil des jours il avait tendance à s'éloigner de plus en plus pour découvrir seul le vaste monde. Il savait maintenant reconnaître la plupart des autres animaux qui peuplaient cette immense forêt. Il avait eu plusieurs fois l'occasion de rencontrer des hérissons qui lui piquaient la truffe quand il voulait jouer avec, des hardes de biches et de cerfs aux bois impressionnants qui le regardaient d'un œil amusé faire ses galipettes, des lièvres aux longues oreilles avec lesquels ils faisait des courses folles, des renards aussi dont sa maman lui avait appris à se méfier, des libellules fragiles au vol zigzaguant. Des abeilles avec lesquelles le dialogue était difficile car elles ne cessaient de butiner d'une fleur à l'autre, trop préoccupées par leur travail pour répondre à ses questions, des escargots évoluant au pas de sénateur, des grenouilles bondissantes avec lesquelles il s'amusait follement des heures durant. Il y avait aussi bien sur des oiseaux qu'il aurait voulu pouvoir imiter tant leur vol le fascinait.
Après ces explorations de plus en plus lointaines et ces jeux innocents, Tex retrouvait rapidement Daisy qui continuait inlassablement à lui prodiguer des conseils avisés qu'il écoutait d'une oreille distraite, impatient qu'il était de retrouver ses amis. Et c'est ainsi qu'un jour, estimant qu'il était assez grand pour comprendre, sa maman lui fit un long exposé sur l'Homme. Elle le lui décrivit sommairement en lui précisant que bientôt elle l'emmènerait en un endroit d'où il pourrait le découvrir tout en restant bien abrités de ses regards derrière les feuillages du sous bois. Elle le lui présenta comme un ennemi impitoyable devant lequel il ne fallait jamais se dévoiler. C'est un prédateur habile capable de nous abattre à distance avec un long bâton qui crache du feu lui dit-elle. Il ne faudra jamais flâner dans les prairies à découvert ou t'approcher de son habitation. Quand il fait très chaud il est plus calme mais dès que les feuilles commencent à jaunir il parcourt des distances considérables en plaines, vallées et coteaux et pas un de nos amis n'est épargné. Quand il actionne son bâton de feu on entend un bruit aussi fort que le tonnerre et dans la plupart des cas un de nos compagnons gît sans vie, plus loin sur le sol.
A quelques jours de là, au petit matin, Daisy et Tex se mirent en marche. Ils cheminèrent plusieurs heures en sous bois et Tex après l'émerveillement de la découverte de lieux extraordinaires et inconnus, commençait à trouver le temps long et à avoir mal aux pattes. Puis soudain, ils se retrouvèrent à l'orée de la forêt ébloui par le soleil. Tex n'aurait jamais imaginé auparavant qu'une telle lueur existe, il ne cessait de cligner des yeux et des larmes se mirent à couler qui n'étaient pas dues à l'éblouissement mais à l'émerveillement de ce qu'il pouvait admirer de leur poste d'observation. Tu vois mon enfant toutes ces habitations accolées les unes aux autres là-bas, eh bien c'est là que vivent les Hommes. Tu ne t'en approcheras sous aucun prétexte. Depuis le sommet de la colline ils dominaient de vastes étendues cultivées aux couleurs chatoyantes, au fond des vallons ombragés couraient des ruisseaux et les cultures qui s'étendaient à perte de vue étaient bien tentantes.
Les mises en garde de Daisy achevées, ils longèrent l'orée de la forêt jusqu'à une habitation isolée à quelques encablures et là et pour la première fois Tex découvrit l'Homme. Il se tenait sur ses pattes arrières ce qui l'amusa et l'intrigua beaucoup. Il poussait quelque chose devant lui tiré par un gros animal qui lui était inconnu. Il se perdait en conjectures quand sa maman lui précisa qu'il s'agissait d'un doux animal totalement inoffensif malgré sa taille. L'Homme lui dit-elle a fait de lui un esclave et utilise sa force pour gratter la terre. Plus loin ils découvrirent d'autres humains affairés dans les champs à des tâches diverses et enfin ils tombèrent sur un troupeau des grands animaux cornus entrain de paître, Daisy expliqua que ces animaux là, eux aussi malgré leur taille, étaient totalement inoffensifs, qu'elle en avait côtoyé de très près par le passé et qu'ils étaient tout à fait amicaux.
Puis ils s'enfoncèrent de nouveau dans la forêt broutant ici une herbe grasse ou là se délectant d'une baie délicieuse. Le jour déclinait lorsqu'ils rejoignirent leur abri et sombrèrent tous deux rapidement, la fatigue aidant, dans un profond sommeil. Le lendemain Tex harcela Daisy de questions sur ce qu'ils avaient vu la veille et sa maman s'efforça calmement de lui fournir les meilleurs explications possibles en espérant que Tex en ferait bon usage et qu'elles lui permettraient de mieux affronter le monde et ses dangers.
C'était sans tenir compte de la désinvolture de son jeune faon !!!
Les jours suivant Tex poursuivit de plus en plus loin ses explorations solitaires et un beau jour à l'époque où les feuilles jaunissent, il s'aventura malgré les mises en garde de sa maman, hors de la forêt. Dans un verger il se goinfra de fruits doux et juteux à en attraper une indigestion et au moment où le soleil était au zénith il rejoignit sans méfiance l'abri du sous bois. C'est alors qu'il entendit un coup de tonnerre très bref et qu'immédiatement il ressentit une douleur fulgurante à sa patte arrière gauche. Il voulut s'enfuir au plus vite vers l'orée d'un bois mais la douleur était si vive qu' il ne parvenait pas à courir normalement et là lui revint en mémoire l'une des mises en garde de Daisy : « ne jamais évoluer à découvert » mais trop tard, le mal était fait ! Il s'efforça au prix d'incroyables efforts d'accélérer la cadence pour quitter ce glacis où il se sentait tout à coup tellement vulnérable et après quelques secondes de total désarroi, regagna enfin la forêt. La frustration d'avoir désobéi aussi ouvertement à sa mère était au moins aussi forte que la douleur physique. Il ralentit le pas et c'est en boitillant et la tête basse qu'il retrouva Daisy à la nuit tombée.
En bonne mère, elle ne lui fit aucun reproche et s'affaira aussitôt à lui lécher le flanc. Cela eut un effet presque miraculeux et la douleur s'apaisa juste avant qu'il ne tombe dans les bras de Morphée.
Le lendemain tout penaud il vint se blottir contre sa mère qui n'eut de cesse de le réconforter physiquement et mentalement sans jamais émettre la moindre allusion à sa désobéissance flagrante de la veille. Elle était si fière de son adolescent et de le retrouver ainsi, en parfaite santé malgré cette chaude alerte ! Elle savait maintenant que la leçon principale avait été assimilée pour toujours et les jours s'écoulèrent ainsi paisibles et sans autre alerte significative, à brouter à gambader à se régaler de délicieuses mures juteuses et sucrées et à s'amuser avec les amis de la forêt.

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