Il
était une fois ...
Il
était une fois un petit faon appelé Tex qui vivait avec sa maman
dans une forêt enchantée.
Les
arbres gigantesques apportaient leur ombre rafraîchissante en été
et en hiver ils permettaient à tous les animaux de s'abriter de la
neige et du froid. Les buissons et l'herbe en sous bois constituaient
une source inépuisable de nourriture dont Tex et sa maman se
repaissaient en toutes saisons. Il y avait aussi des fruits, des baies
et des mures délicieuses qui avaient la préférence de Tex.
Repu
de tant d'abondance, il s'allongeait et faisait de petites siestes,
l'esprit vaguement aux aguets. Au réveil il avait encore parfois
quelques difficultés à se dresser sur ses quatre pattes mais
rapidement son entrain naturel le poussait à gambader et à faire
des sauts prodigieux qui faisaient l'admiration de Daisy, sa maman.
Les
jours s'écoulaient paisibles et Tex grandissait, au fil des jours il
avait tendance à s'éloigner de plus en plus pour découvrir seul
le vaste monde. Il savait maintenant reconnaître la plupart des
autres animaux qui peuplaient cette immense forêt. Il avait eu
plusieurs fois l'occasion de rencontrer des hérissons qui lui
piquaient la truffe quand il voulait jouer avec, des hardes de biches
et de cerfs aux bois impressionnants qui le regardaient d'un œil
amusé faire ses galipettes, des lièvres aux longues oreilles avec
lesquels ils faisait des courses folles, des renards aussi dont sa
maman lui avait appris à se méfier, des libellules fragiles au vol
zigzaguant. Des abeilles avec lesquelles le dialogue était difficile
car elles ne cessaient de butiner d'une fleur à l'autre, trop
préoccupées par leur travail pour répondre à ses questions, des
escargots évoluant au pas de sénateur, des grenouilles bondissantes
avec lesquelles il s'amusait follement des heures durant. Il y avait
aussi bien sur des oiseaux qu'il aurait voulu pouvoir imiter tant
leur vol le fascinait.
Après
ces explorations de plus en plus lointaines et ces jeux innocents,
Tex retrouvait rapidement Daisy qui continuait inlassablement à lui
prodiguer des conseils avisés qu'il écoutait d'une oreille
distraite, impatient qu'il était de retrouver ses amis. Et c'est
ainsi qu'un jour, estimant qu'il était assez grand pour comprendre,
sa maman lui fit un long exposé sur l'Homme. Elle le lui décrivit
sommairement en lui précisant que bientôt elle l'emmènerait en un
endroit d'où il pourrait le découvrir tout en restant bien abrités
de ses regards derrière les feuillages du sous bois. Elle le lui
présenta comme un ennemi impitoyable devant lequel il ne fallait
jamais se dévoiler. C'est un prédateur habile capable de nous
abattre à distance avec un long bâton qui crache du feu lui
dit-elle. Il ne faudra jamais flâner dans les prairies à découvert
ou t'approcher de son habitation. Quand il fait très chaud il est
plus calme mais dès que les feuilles commencent à jaunir il
parcourt des distances considérables en plaines, vallées et coteaux
et pas un de nos amis n'est épargné. Quand il actionne son bâton
de feu on entend un bruit aussi fort que le tonnerre et dans la
plupart des cas un de nos compagnons gît sans vie, plus loin sur le
sol.
A
quelques jours de là, au petit matin, Daisy et Tex se mirent en
marche. Ils cheminèrent plusieurs heures en sous bois et Tex après
l'émerveillement de la découverte de lieux extraordinaires et
inconnus, commençait à trouver le temps long et à avoir mal aux
pattes. Puis soudain, ils se retrouvèrent à l'orée de la forêt
ébloui par le soleil. Tex n'aurait jamais imaginé auparavant qu'une
telle lueur existe, il ne cessait de cligner des yeux et des larmes
se mirent à couler qui n'étaient pas dues à l'éblouissement mais
à l'émerveillement de ce qu'il pouvait admirer de leur poste
d'observation. Tu vois mon enfant toutes ces habitations accolées
les unes aux autres là-bas, eh bien c'est là que vivent les Hommes.
Tu ne t'en approcheras sous aucun prétexte. Depuis le sommet de la
colline ils dominaient de vastes étendues cultivées aux couleurs
chatoyantes, au fond des vallons ombragés couraient des ruisseaux et
les cultures qui s'étendaient à perte de vue étaient bien
tentantes.
Les
mises en garde de Daisy achevées, ils longèrent l'orée de la forêt
jusqu'à une habitation isolée à quelques encablures et là et pour
la première fois Tex découvrit l'Homme. Il se tenait sur ses pattes
arrières ce qui l'amusa et l'intrigua beaucoup. Il poussait quelque
chose devant lui tiré par un gros animal qui lui était inconnu. Il
se perdait en conjectures quand sa maman lui précisa qu'il
s'agissait d'un doux animal totalement inoffensif malgré sa taille.
L'Homme lui dit-elle a fait de lui un esclave et utilise sa force
pour gratter la terre. Plus loin ils découvrirent d'autres humains
affairés dans les champs à des tâches diverses et enfin ils
tombèrent sur un troupeau des grands animaux cornus entrain de
paître, Daisy expliqua que ces animaux là, eux aussi malgré leur
taille, étaient totalement inoffensifs, qu'elle en avait côtoyé de
très près par le passé et qu'ils étaient tout à fait amicaux.
Puis
ils s'enfoncèrent de nouveau dans la forêt broutant ici une herbe
grasse ou là se délectant d'une baie délicieuse. Le jour déclinait
lorsqu'ils rejoignirent leur abri et sombrèrent tous
deux rapidement, la fatigue aidant, dans un profond sommeil. Le
lendemain Tex harcela Daisy de questions sur ce qu'ils avaient vu la
veille et sa maman s'efforça calmement de lui fournir les meilleurs
explications possibles en espérant que Tex en ferait bon usage et
qu'elles lui permettraient de mieux affronter le monde et ses
dangers.
C'était
sans tenir compte de la désinvolture de son jeune faon !!!
Les
jours suivant Tex poursuivit de plus en plus loin ses explorations
solitaires et un beau jour à l'époque où les feuilles jaunissent,
il s'aventura malgré les mises en garde de sa maman, hors de la
forêt. Dans un verger il se goinfra de fruits doux et juteux à en
attraper une indigestion et au moment où le soleil était au zénith
il rejoignit sans méfiance l'abri du sous bois. C'est alors qu'il
entendit un coup de tonnerre très bref et qu'immédiatement il
ressentit une douleur fulgurante à sa patte arrière gauche. Il
voulut s'enfuir au plus vite vers l'orée d'un bois mais la douleur
était si vive qu' il ne parvenait pas à courir normalement et là
lui revint en mémoire l'une des mises en garde de Daisy : « ne
jamais évoluer à découvert » mais trop tard, le mal
était fait ! Il s'efforça au prix d'incroyables efforts
d'accélérer la cadence pour quitter ce glacis où il se sentait
tout à coup tellement vulnérable et après quelques secondes de
total désarroi, regagna enfin la forêt. La frustration d'avoir
désobéi aussi ouvertement à sa mère était au moins aussi forte
que la douleur physique. Il ralentit le pas et c'est en boitillant et
la tête basse qu'il retrouva Daisy à la nuit tombée.
En
bonne mère, elle ne lui fit aucun reproche et s'affaira aussitôt à
lui lécher le flanc. Cela eut un effet presque miraculeux et la
douleur s'apaisa juste avant qu'il ne tombe dans les bras de Morphée.
Le
lendemain tout penaud il vint se blottir contre sa mère qui n'eut de
cesse de le réconforter physiquement et mentalement sans jamais
émettre la moindre allusion à sa désobéissance flagrante de la
veille. Elle était si fière de son adolescent et de le retrouver
ainsi, en parfaite santé malgré cette chaude alerte ! Elle
savait maintenant que la leçon principale avait été assimilée
pour toujours et les jours s'écoulèrent ainsi paisibles et sans
autre alerte significative, à brouter à gambader à se régaler de
délicieuses mures juteuses et sucrées et à s'amuser avec les amis
de la forêt.
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