mercredi 26 avril 2017




FICTION ???

Elliott Ford est décidément un curieux personnage ! A vingt quatre ans, ses études d'ingénieur aéronautique terminées, il débute ses activités professionnelles au sein de l'immense consortium Boeing et participe activement au développement du B777. Puis il est affecté à la section militaire du même constructeur et participe à la mise au point le chasseur F35. Par ailleurs, pilote professionnel civil, il postule durant plusieurs années auprès de la NASA pour un poste d'astronaute. A sa cinquième demande, il est convoqué à Houston pour passer une batterie de tests psychotechniques et des examens médicaux très exigeants. Les résultats sont concluants mais les places sont déjà prises pour les trois ans à venir !
Dans l'attente, la NASA l'affecte au « propulsion laboratory » où il est chargé avec ses collègues d'inventer d'autres modes de propulsion que ceux connus à ce jour.
Dans ce but, il reprend les études faites par le génial Tesla et celles faites par différents ingénieurs dont celles du français Jean-Pierre Petit, concernant la magnétohydrodynamique (MHD).
Depuis les années 1980 où elles ont été délaissées par leur initiateur par manque de moyens financiers, les progrès en informatique notamment, ont été tels qu'il peut, bien mieux que son illustre prédécesseur, mettre en équation un certain nombres d'idées un peu floues qui ne s'étaient pas concrétisées jusqu'alors.
Il peaufine les travaux de l'ingénieur français et les présente à ses employeurs. Son ambition est de propulser un véhicule à travers l'espace à une vitesse approchant celle de la lumière c'est-à-dire trois cent mille kilomètres seconde !
La présentation de ses recherches se heurte d'abord à un certain scepticisme de la part de ses pairs mais têtu, il multiplie ses exposés et ses arguments sont tellement convaincants que finalement la NASA lui offre les moyens de mettre son projet à exécution. Il pourra donc disposer dorénavant de toutes les infrastructures existantes et notamment d'une soufflerie hypersonique. De plus sa hiérarchie consent à détacher auprès de lui une demie douzaine d'ingénieurs de haut vol, spécialisés dans des domaines différents : aérodynamique, mécanique des fluides, structure des matériaux, électromagnétisme etc...
Toutes les études qu'il avait faites jusque-là ne correspondaient qu'à des simulations informatiques. Son équipe constituée, il peut maintenant passer aux travaux pratiques.
Des modélisations sont à inventer de toutes pièces car personne n'avait jusqu'à ce jour étudié le comportement dans l'air d'un véhicule se déplaçant à une telle vitesse, tant dans l'air dense de notre atmosphère que dans le relatif vide sidéral. Il est convaincu du bien fondé de ses calculs et ne doute pas un seul instant de pouvoir vérifier leur véracité à l'aide d'un engin de son invention.
Il a évidemment fait le tour de toutes les possibilités en matière de propulsion mais à ce jour et pour atteindre de telles vitesses aucun moteur existant ne peut remplir à lui seul cette fonction. La MHD est donc à ses yeux le seul moyen d'y parvenir en l'associant à des réacteurs classiques, voire à des moteurs fusée … et pourquoi pas les deux ?
Le but est d' isoler le maître couple du véhicule dans une sorte de bulle afin de l'affranchir de tous les frottements et de toutes les turbulences inhérentes à l'air dans lequel il se déplace. La MHD répond à ce critère. Il s'agit d'un procédé qui consiste à ioniser les molécules d'air à l'aide d'électrodes afin de créer un plasma à l'avant de l'appareil. Si celui-ci ne rencontre plus de résistance à l'air ambiant, sa vitesse peut-être alors considérée comme illimitée.

Les études théoriques sont une chose, mais leur concrétisation en est une autre. Il se heurte à une foule de problèmes et tout particulièrement à celui du matériau à utiliser pour confectionner l'engin.
Il faut allier légèreté et tenue aux hautes températures car la MHD est génératrice de chaleur. Avec son équipe il passe en revue tous les alliages existants et soit ils sont trop lourds, soit ils perdent partiellement de leur intégrité aux températures élevées. Dans l'immédiat il faudra donc se résoudre à un compromis et abandonner temporairement les vitesses très élevées. Il opte finalement pour un matériau, le tungstène qui supporte de fortes températures et dont la seconde qualité est une très bonne conductivité électrique mais il est relativement lourd.
La cellule sera sensiblement triangulaire, les réacteurs seront disposés sous l'appareil à la manière de ceux du Concorde et comporteront des entrées d'air classiques pouvant être occultées à vitesses élevées.
A un point de Mach qu'il reste à définir, l'admission de l'air alimentant les réacteurs sera redirigée sur la partie supérieure de l'appareil et la MDH entrera alors en jeu. Le flux ionisé, considérablement ralenti, permettra aux réacteurs de demeurer opérationnels jusqu'à des vitesses de l'ordre de Mach 10/12.

Trois longues années sont nécessaires pour réaliser en toute discrétion ce véhicule hors normes.
Puis enfin le « roll out » est organisé devant une petite cinquantaine de personnes, essentiellement ingénieurs et techniciens directement impliqués dans le projet.
L'équipage composé du prestigieux pilote d'essai Jack Mac'Carlson, qui avait procédé, entre autres, il y a quelques années, aux essais du Boeing V22 Osprey et d'Elliott lui-même, par dérogation spéciale de la NASA, s'installe à bord de l'étrange machine afin de reproduire les gestes qu'ils ont mille fois répété sur un simulateur de leur conception.
L'appareil est baptisé HSEV-1 (Hight Speeds Experimental Vehicle). D'innombrables capteurs sont disposés à bord afin de retransmettre en temps réel à l'équipe au sol, toutes les informations concernant l'attitude de l'appareil, la puissance développée, l'altitude, la vitesse etc... et, grande première, un dispositif a été mis en place afin qu'elle puisse éventuellement depuis le sol, reprendre les commandes en cas de défaillance de l'équipage.
Jack et Elliot effectuent leur premier décollage et augmentent progressivement la vitesse de l'appareil. Ils ont l'impression de s'amuser à un jeu vidéo, toutes les manœuvres entreprises jusque-là sont si fluides ! En quelques fractions de secondes ils ont atteint une vitesse de huit cents kilomètres heure qu'ils stabilisent. Puis ils effectuent quelques virages et soudain la voix du directeur de vol les surprend leur demandant expressément d'amorcer un retour sur base afin de rester dans le cadre strict du programme établi pour les vols d'essai.
Quarante minutes déjà, le temps a passé si vite !
De retour au sol l'équipage laisse éclater sa joie, on se congratule et l'appareil est rapidement tracté vers son hangar afin de vérifier la tenue mécanique de chaque élément qui le composent. Le soir une fête est organisée pour remercier le travail de chacun des participants et marquer la fin de cette première phase.

Une multitude d'autres vols sont bien sûr programmés afin de tester l'appareil dans tout son domaine de vol et lui faire atteindre à échéance des vitesses hypersoniques.
Au retour d'un vol présentant une légère avance sur le programme l'équipe au sol en profite pour expérimenter le pilotage à distance ce qui suscite quelques frayeurs à l'équipage qui préfère reprendre les commandes pour poser l'appareil.
Les essais se poursuivent ainsi semaines après semaines, mois après mois suivant le protocole établi. Plusieurs types de batteries sont testées, des éléments de structure sont renforcés, la géométrie des entrées d'air réacteurs est redessinée…
Pour l'heure, Elliott est écartelé entre la poursuite de son projet et de sa collaboration avec l'équipe parfaitement compétente et soudée qu'il a lui-même constituée, et l'offre qui vient de lui être faite par la NASA de débuter un entraînement de quatre ans au sein d'une équipe de cinq futurs astronautes.
Une réponse est requise sous quarante-huit heures !

Son projet est maintenant sur les rails et il est conscient que son absence ne le mettra pas à mal pour autant. Ce sera donc son collaborateur le plus proche Edouard North qui se chargera de la poursuite de l'aventure. Il a attendu plus de trois ans avant que l'on ne fasse appel à lui et malgré son enthousiasme pour son vaisseau hypersonique, son éventuel recrutement dans le corps des astronautes lui revenait chaque jour à l'esprit, comme un leitmotiv. Aujourd'hui c'est le grand jour et son hésitation n'aura finalement été que de courte durée.
Il va enfin rejoindre cette famille prestigieuse qui ne cesse de s'agrandir, cette famille d'hommes et de femmes hors du commun qu'il n'a jamais cessé d'admirer depuis sa plus tendre enfance !
Le grand projet de la NASA d'envoyer un homme sur Mars est en marche et parallèlement les vols à destination de la Lune sont de nouveau d'actualité. Trois options s'offrent donc à lui : participer à la reprises de l'exploration Lunaire comme ont commencé à le faire de 1969 à 1972 ses grands « anciens », ses idoles ou séjourner pour un temps dans la Station Spatiale Internationale. Si cela ne dépendait que de lui, ce serait évidemment la première option qu'il retiendrait, sans hésitation ! La troisième est bien alléchante, mais il craint qu'il lui faille encore attendre un certain temps pour le voyage sur Mars.
Il dispose encore de quelques mois avant le début de l'entraînement, il va donc en profiter au mieux pour faire avancer son projet avant de passer la main.
Les vols d'essai de l'HSEV-1 se poursuivent, entrecoupés de modifications et d'améliorations indispensables.
Elliott se prend à rêver que compte tenu des retards accumulés par le projet Orion de la NASA, le vaisseau de transport vers Mars, un HSEV adapté pourrait fort bien avoir son rôle à jouer, non pas comme concurrent, mais comme moyen de transport alternatif vers cette lointaine destination.
Jack forme un autre pilote pour remplacer Elliott. Il s'agit de Conrad Stone, le pilote d'essai qui a effectué le premier vol sur l'avion multi-rôle à décollage vertical, le Boeing F35.
Au bout du vingt-huitième vol d'essai l'équipage pousse la machine à des vitesses supersoniques, mach 1,5, puis mach 2 quelques jours plus tard. L'appareil se comporte bien d'une façon générale. Il y a quelques pannes bénignes de temps à autres comme sur tout appareil en phase d'essais, mais cela n'entame pas l'enthousiasme de l'équipe qui s'est vite remise de l'annonce d'Eliott concernant son départ pour le corps des astronautes.

Le film de cellules photovoltaïques qui enveloppe certaines parties de l'appareil constitue pour l'heure le plus gros problème. Il se dégrade facilement et les techniciens doivent en changer trop souvent des pans entiers. La solution pourrait se trouver non pas aux USA mais en Suisse où la maîtrise du domaine de l'énergie solaire est optimale. Un ingénieur suisse de renom à qui l'on fait un pont d'or, est enrôlé dans l'équipe de marque. Un chantier de plusieurs semaines cloue aussitôt la machine au sol afin de disposer sur les parties concernées, une sorte de tissu de quelques microns d'épaisseur, le nec plus ultra, ce qui se fait de mieux sur le vieux continent en matière de cellules photovoltaïques.
C'est au moment où la reprise des vols est imminente qu'Elliot quitte à regret son équipe. Il n'est néanmoins pas très inquiet car il sait que son œuvre est entre de bonnes mains en la personne d'Edouard North qu'il considère comme son alter ego.

L'entraînement intensif d'Elliott et de ses compagnons, à Houston mais aussi dans l'Utah, en Antarctique ou à Moscou, ne lui laisse pas beaucoup de temps pour s'intéresser au développement ultérieur du projet HSEV. Les journées sont longues. Entre les différents exercices programmés et le sport qu'il pratique comme ses compagnons de façon soutenue, il sombre chaque soir vers minuit dans un profond sommeil. Les entraînements en piscine notamment, en scaphandre spatial, sont particulièrement éprouvants. Heureusement il y a aussi des périodes plus ludiques telles les vols paraboliques qui permettent aux futurs astronautes de se familiariser à l'apesanteur.
La partie théorique n'est pas négligeable non plus et la connaissance parfaite de la station spatiale internationale par exemple demande à elle seule des mois d'apprentissage.
Les simulations sont nombreuses et rien n'est laissé au hasard, de la meilleure façon d'enfiler un scaphandre à la façon de s'alimenter, de se laver … ou d'aller aux toilettes ! L'accent est mis en permanence sur la sécurité et chaque exercice est décortiqué et étudié dans ses moindres détails.
Une infinité de pannes sont simulées avec pour chacune d'entre elles l'étude de la façon la plus rapide et la plus efficace d'y remédier. Ces gestes salutaires sont répétés autant de fois que nécessaire jusqu'à la parfaite résolution du problème. Les retours d'expérience d'incidents ayant eu lieu réellement sont également étudiés avec la plus grande attention. Le cas dramatique d'Apollo 13 et la résolution des différentes pannes auxquelles les astronautes ont dû faire face, est étudiée dans ses moindres détails. Les accidents qui ont parfois coûté la vie à leur prédécesseurs ne sont pas éludés non plus !

Périodiquement Elliott reçoit des textos d'Edouard North lui relatant des avancées ou les incidents à déplorer sur l'HSEV-1, mais il est tellement préoccupé par son entraînement qu'il est complètement déconnecté de ses activités antérieures. Il se demande même parfois si c'est bien lui qui a été à l'initiative de ce projet.
Il consacre ses très rares moments de détente à contacter par téléphone sa famille et ses amis, à lire ou écouter de la musique. Il mène une vie d'ascète. Les seules personnes qu'il fréquente sont ses collègues et ses instructeurs. Ils vivent en vase clos dans les quartiers que la NASA met à leur disposition, le plus souvent sur des bases aériennes, partout où leur entraînement les porte, ils travaillent ensembles, ils prennent leurs repas ensemble. Si une petite fête est donnée pour un anniversaire par exemple il n'y a jamais ou que très exceptionnellement d'invités extérieurs à leur petit groupe. Cette façon de procéder n'est pas anodine. Chacun doit pouvoir compter sur ses collègues sans se poser de question ; il est donc nécessaire qu'ils se connaissent parfaitement et qu'ils sachent comment réagira l'autre devant telle ou telle situation. Les voyages interplanétaires sont longs et il faut apprendre par une parfaite connaissance de l'esprit de chaque coéquipier, à éteindre les tensions avant même qu'elles ne s'amorcent.
Les mois puis les années se succèdent, la petite équipe est maintenant parfaitement rodée et apte à affronter tous les problèmes potentiels susceptibles d'être rencontrés durant leurs futurs voyages interplanétaires. Leur entraînement proprement dit est maintenant terminé.
Dans un futur proche la seule femme du groupe, Dora Fisher, sera bientôt appelée à rejoindre la Station Spatiale Internationale pour une durée de huit mois, le plus long séjour qu'une femme aura réalisé à bord.
Avant son retour sur Terre elle sera rejointe par son collègue de promotion Tony Rozandez. Dans l'attente de leur expédition lunaire, les trois autres astronautes jouent le rôle d'instructeurs auprès d'une classe de dix nouvelles recrues car la mise au point définitive de la légendaire fusée Saturne qui subit un immense chantier de restructuration n'est pas tout à fait terminée.
Voila cinq ans maintenant que la NASA a mis sur pied son nouveau programme lunaire. Elle envisage de créer un « pont spatial » afin d'établir sur la Lune plusieurs bases fixes réparties sur plusieurs sites différents.
Parallèlement la phase d'essais du nouveau module lunaire, s'achève. Le matériel sera «largué» par un dispositif simple et peu coûteux qui s'apparentera au système des airbags de voitures. Un déclencheur pyrotechnique assurera à quelques dizaines de mètres de la surface le gonflage de ballons hyper résistants qui amortiront le choc à l'alunissage.
De nouveaux véhicules lunaires ont également vu le jour en tenant compte des expériences passées. Les derniers tests sont en cours sur une île déserte en Alaska.
Les premières structures qui hébergeront les astronautes seront des structures gonflables pouvant être assemblées entre elles à l'infini. Elles serviront d'ateliers et de lieux de vie provisoires en attendant la création de bases souterraines définitives.
Le but officiel de cette colonisation lunaire est l'adaptation de l'Homme à longue échéance à ce milieu hostile, la recherche de nouvelles énergies, de nouveaux minerais, l'installation de télescopes qui permettront de s'affranchir de la pollution terrestre et d'explorer l'Univers profond et enfin l'élaboration de nouveaux moyens de télécommunications.
La pression quotidienne subie durant l'entraînement est maintenant retombée et Elliott se pose parfois des questions au sujet de la fusée Saturne. Certes elle a été revue et corrigée et les avancées technologiques réalisées depuis les années 70 ont été largement mises en œuvre, mais les moteurs lui paraissent totalement obsolètes. La NASA lui semble parfois être une administration bien lourde et même d'un autre temps, mais constitue pour lui un passage obligé qui lui permettra de réaliser ses rêves d'astronaute.
Il partage son temps entre l'instruction de ses jeunes collègues le matin et les après-midi sont consacrées à la répétition des tâches qu'il devra accomplir tout au long de son voyage spatial.

Depuis peu les fonctions de chacun des trois membres d'équipage ont été définies. Le plus délicat fut de désigner l'astronaute en charge du module de commande et contraint d'attendre ses collègues en orbite lunaire. C'est finalement Hamilton Scott qui a été désigné pour cette tâche. Elliott quant à lui, pilotera le module lunaire et il aura comme coéquipier Brian Cooper ingénieur de bord.
Les buts de leur mission baptisée MSA « Moon Second Act », sont multiples. Ils emmèneront dans leur module lunaire des structures gonflables, un télescope, plusieurs systèmes de télécommunications, un véhicule tout terrain en kit et des vrilles électriques pour effectuer des carottages. Arrivés à destination ils commenceront par déployer les structures gonflables ainsi qu'un certain nombres d'antennes radio. Le télescope leur servira à observer, entre autre, la planète Wolf 1061C qui intrigue les astronomes depuis quelques mois et qui selon eux pourrait éventuellement abriter une forme de vie. Le véhicule leur servira à effectuer des reconnaissances dans un rayon de 20 kilomètres autour du module, d'implanter des instruments de télémesures sur plusieurs sites différents et de recueillir des échantillons du sous-sol lunaire.
La mission s'échelonnera sur cinq jours et ils passeront deux jours complets sur la Lune avant de rejoindre Scott Hamilton dans le module de commande.

La feuille de route des astronautes diffère finalement peu des premières reconnaissances lunaires effectuées par les pionniers. Sauf exception, il n'y aura pas lieu cette fois de ramener des échantillons de pierres lunaires, les laboratoires en sont remplis !
Le module de Scott prendra en continu des photos haute définition des zones survolées. Il servira également, comme par le passé, de relais radio entre le module lunaire et la salle de contrôle de Huston.
Les puissants ordinateurs qui équipent les deux modules faciliteront largement la tâche des équipages pour le rendez-vous orbital précédant le retour vers la Terre.
Les leçons tirées de l'aventure malheureuse d'Apollo 13 sont dans toutes les mémoires et toutes les mesures ont été prises par ailleurs, pour éviter qu'elle ne se reproduise.
«Saturne 2.0» est prête. Les batteries de vérifications à tous les niveaux ont duré plusieurs jours et n'ont révélé aucune anomalie, il n'y a plus qu'à l'acheminer sur son pas de tir, la positionner à la verticale, remplir les immenses réservoirs de ses moteurs cryogéniques … et débuter le compte à rebours.
Durant les quelques heures qui précèdent le départ un emploi du temps très strict est imposé à l'équipage afin de lui permettre une concentration optimale. Un créneau horaire est consacré à la visite des familles, puis c'est l'acheminement vers le pas de tir. Ils s'installent à leur poste respectif et savourent l'espace d'un instant ce moment qu'ils attendaient tous les trois depuis des années.
Ils égrènent l'interminable « check list » puis perçoivent dans leurs écouteurs le directeur de vol débuter le décompte fatidique : 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1, Allumage !
Ils se retrouvent soudain au cœur d'un ouragan, le tonnerre des moteurs leur déchire les tympans et les vibrations sont telles qu'ils ne peuvent plus lire les informations sur leurs tableaux de bord. Puis progressivement le tonnerre laisse place à une sorte de suintement et les vibrations disparaissent presque totalement.
Leurs tâches à bord se réduisent désormais à la surveillance des différents paramètres, ils n'ont plus qu'à se laisser transporter par leur fusée dans le vide intersidéral.
Largage du premier étage, largage du deuxième étage, largage du troisième étage, contrôlés par caméras.
A l'issue de la deuxième orbite, Saturne 2.0 libérée de l'attraction terrestre file maintenant vers notre satellite naturel à une vitesse de 40.000 km/h.
La mise en orbite autour de la Lune est réalisée à 110 km au dessus du sol lunaire. Il est temps maintenant pour Elliott et Brian de débuter la descente vers la Lune. Le pilotage du module lunaire est entièrement programmé et leur travail se résume à la surveillance des différentes séquences de la descente. L'alunissage soulève un panache de poussière lunaire, la régolite, l'ennemie jurée des astronautes. Il leur faudra attendre de longues minutes avant que ce nuage ne se dissipe pour pouvoir enfin fouler le sol lunaire.
Elliott quitte le module. Il est le treizième homme à avoir le privilège de marcher sur la Lune. Pour beaucoup de ses compatriotes le chiffre treize est synonyme de désastres, de catastrophes (Apollo 13) mais Elliott, lui, s'en moque totalement. Il est rejoint quelques instants plus tard par son coéquipier à qui malgré leur encombrant scaphandre, il donne l'accolade. Ce jour est un grand jour pour eux deux. C'est l'aboutissement de plus de cinq années de préparation !
Un message radio de félicitations leur parvient d'abord de Scott puis, un peu plus tard, du directeur de vol à Houston.
Mais il n'y a pas de temps à perdre et rapidement il entreprennent les différentes tâches qui ont été planifiées : déploiement des structures gonflables, mise à l'abri du précieux télescope et des différents outillages. Après quelques heures de sommeil ils procèdent au montage du véhicule tout terrain.
En très peu de temps ils se sont adaptés à la pesanteur qui règne sur la Lune (six fois moins importante que la pesanteur terrestre) et qui leur facilite grandement la tâche lorsqu'il s'agit de manœuvrer de lourdes charges.
Ils sont tellement occupés que les heures passent vite et c'est Houston le plus souvent qui les invite à cesser temporairement leurs activités pour prendre du repos.
Régulièrement ils aspirent la poussière qui recouvre leur scaphandre, une poussière fine et abrasive qui pourrait à terme causer des dégâts irrémédiables à leurs équipements.
Les explorations en VTT commencent suivant un plan préalablement établi. Ils fixent des antennes, effectuent des carottages. Le véhicule leur donne entière satisfaction et en s'éloignant de plus en plus du module lunaire ils découvrent d'autres paysages, plus tourmentés.
Ils mettent en place le télescope. Leur rôle ne consiste pas à scruter le ciel mais à pointer le télescope vers Wolf 1061C. Un système de réglage à distance doit permettre aux astronomes au sol d'effectuer les réglages fins et de recueillir les données.
Des caméras haute définition fixées à demeure sur leur scaphandre filment en continu tous leurs faits et gestes.
Après deux jours passés sur la Lune leur mission s'achève. Ils rangent tout leur matériel (VTT compris) dans la structure gonflable amarrée au sol. Il leur faut maintenant procéder à un ultime nettoyage de leurs équipements avant de s'installer au poste de pilotage du module lunaire, il s'agit sans équivoque de la tâche la plus ingrate qu'il soit !
Ils égrainent la check list ... petite boule à l'estomac avant d'allumer les moteurs ! Mise à feu, le module lunaire allégé de tous les matériels restés sur place ainsi que de son deuxième étage qui lui sert de pas de tir, s'arrache du sol lunaire. Guidé par son ordinateur de bord il se positionne pour son rendez-vous avec le module de commande de Scott qui filme son rapprochement progressif puis son arrimage.
Elliott et Brian rejoignent le module de commande. La joie des des trois astronautes est indescriptible. Puis le module lunaire désormais inutile est largué.
Débute alors la dernière phase de ce périple spatial : le retour sur Terre qui s'effectue de la même manière qu'à l'époque des pionniers et qui se termine par l'ouverture des parachutes qui freinent la capsule orbitale avant son amerrissage en plein océan pacifique. Le rendez-vous avec le porte-avion chargé du recueil est suffisamment précis pour que deux hélicoptère soient à la verticale de la capsule moins d'une demie-heure après leur amerrissage.
A bord du porte-avions, ils sont accueillis par le directeur de la NASA en personne et un message de félicitations leur est adressé par le président des États Unis.
La relance de la conquête spatiale a soulevé comme en 1969, l'enthousiasme des foules. Les trois astronautes, après avoir serré dans leurs bras les membres de leur famille et après la somptueuse réception à la Maison Blanche, où ils sont accueillis en héros, entament un périple de deux semaines à travers le pays.
Elliott est pressé d'en finir avec les mondanités. Il est maintenant impatient de retrouver son équipe et de découvrir les avancées de son projet en son absence.
Son statut de premier homme de la mission « MSA » à avoir foulé le sol lunaire ne lui permet pas de s'évader et il doit bon gré mal gré participer à toute la tournée organisée par la NASA.
C'est pour lui la partie la plus désagréable de son aventure spatiale. Il a l'impression de perdre son temps et son énergie, les mondanités ne sont décidément pas son fort !
Enfin il peut rejoindre son équipe et faire le point avec Édouard North sur les avancées de son projet.
Il a eu tout le temps pendant la tournée de réfléchir aux améliorations à apporter au voyage lunaire.
Les nouvelles technologies employées ont certes grandement amélioré les choses par rapport à ce qu'avaient connu les pionniers, mais le matériel de base, de la fusée Saturne aux deux modules, lui paraît quelque peu anachronique en ce vingt et unième siècle !
Les ruptures de charges et la complexité des différentes phases du vol doivent impérativement disparaître.
Il est convaincu que l'usage d'un seul et même véhicule constituerait un pas de géant mais pour cela il faut partir sur de nouvelles bases et repenser de bout en bout le voyage spatial.
En son absence l'HSEV-1 a été poussé progressivement par ses pilotes jusqu'à Mach 7. Ils ont testé le dispositif consistant à obstruer les entrées d'air inférieures des réacteurs et à canaliser la veine d'air par des entrées d'air supérieures. La génération MHD réalisée à l'aide d'électrodes disposées dans le nez de l'appareil afin de l' isoler par l'ionisation du flux d'air dans lequel il évolue, a été mise en œuvre et a fonctionné suivant les prévisions des ingénieurs. Seule ombre au tableau la résistance à la chaleur des matériaux les empêchant d'atteindre des vitesses plus élevées !
Les métallurgistes sont à l'œuvre et ont bon espoir de créer à brève échéance un alliage hyper résistant aux hautes températures mais dans l'attente le projet piétine !
Elliott propose donc d'élaborer des plans en vue de la réalisation d'un HSEV-2 permettant l'emport d'un équipage de trois personnes et de cinq tonnes de matériel.
Cet appareil, préfigurera un HSEV-3 sur lequel un nouvel alliage, le graphène, devrait autoriser des vitesses de l'ordre de Mach 12 en atmosphère dense et susceptible d'emmener directement et sans transfert d'aucune sorte, un équipage sur la Lune, voire au-delà.
Fraîchement auréolé de sa mission lunaire, Elliott obtient une approbation sans réserve des hautes instances de la NASA ainsi que des crédits substantiels. Dorénavant le directeur de la NASA lui-même, convaincu du bien-fondé de sa démarche, fait reposer sur ses épaules ce nouveau départ pour une nouvelle conquête spatiale.
Elliott s'intéresse de près aux recherches des ingénieurs métallurgistes. Il leur rend de fréquentes visites et leur obtient des crédits spéciaux pour « booster » leurs recherches.
Leurs essais sur le graphène commencent à porter leurs fruits et l'on attend son industrialisation à moyenne échéance.
Dans cette attente, c'est le titane qui est cette fois encore retenu pour la construction de l'HSEV-2.
Ses dimensions et ses capacités de transport tant en personnels qu'en matériels répondront très exactement à une mission lunaire type.
Ces nouveaux projets bienvenus donnent un nouvel élan aux équipes de chercheurs et d'ingénieurs.
Pour l'heure, il est temps d'explorer avec l'HSEV-1, les très hautes altitudes. Jusque-là, l'altitude maximale atteinte a été de 30000 mètres mais à cette altitude les réacteurs commencent singulièrement à manquer d'air !
L'adjonction de quatre petites fusées d'appoint permet d'atteindre les limites de l'atmosphère terrestre (une centaine de kilomètres) puis deux cents kilomètres, altitude à laquelle une satellisation en orbite basse est envisageable.

A cette altitude, dans le quasi vide spatial il est possible d'accélérer l'appareil sans dommage et ils le poussent progressivement jusqu'à Mach 10 !
L'équipe HSEV s'est enrichie d'un ingénieur en balistique qui apporte sa maîtrise des calculs de trajectoires et c'est grâce à lui que les pilotes d'essai vont sauter le pas et passer du vol classique à la satellisation.
A noter que l'emploi de la MHD élimine du même coup l'utilisation du bouclier thermique pour le retour dans l'atmosphère terrestre puisque l'appareil n'est pas au contact direct de l'air ambiant.
Après plusieurs vols à très haute altitude une première satellisation partielle est réalisée. L'angle de deux degrés choisi pour le retour dans les couches denses de l'atmosphère et l'emploi de la MHD leur assure la parfaite intégrité de leur appareil.
Elliott et son équipe viennent de franchir un pas décisif dans la nouvelle maîtrise du vol spatial. La démonstration est maintenant faite qu'il est possible d'aller dans l'espace et d'en revenir avec un seul et unique véhicule !
La NASA revoit à la baisse le nombre de fusées Saturne 2.0 à construire pour la mission «MSA» et modifie ses prévisions pour passer de 10 à 4 unités.
Dorénavant la pression s'accentue pour Elliott et son équipe, mais surtout sur l'équipe d'ingénieurs-chercheurs en matériaux. Tout le monde attend avec impatience l'avènement de l'HSEV-3 dont on commence à percevoir clairement le fonctionnement.
Les vols d'essai se succèdent et parallèlement la construction du démonstrateur HSEV-2 s'achève.
Configuré comme pour un vol à destination de la Lune, il servira surtout à mettre au point son successeur.
La différence avec l'HSEV-1 est essentiellement une question d'échelle, il sera quatre fois plus grand que son prédécesseur mais ne comportera pas d'innovations technologiques majeures.
Les premiers vols d'essai débutent et avec l'expérience acquise maintenant, les phases d'essais initiales sont rapidement bouclées.
Convaincus de sa fiabilité, ses concepteurs l'équipent de quatre fusées additionnelles qui prendront hors atmosphère le relais des réacteurs afin de lui faire acquérir de la vitesse et lui faire décrire à minima une orbite terrestre complète.
Pour cette grande première, les deux pilotes d'essai Jack Mac'Carlson et Conrad Stone sont aux commandes, Elliott joue le rôle d'ingénieur de bord.
Ils montent pour la première fois à une altitude de trois cents kilomètres et satellisent leur appareil.
La vitesse acquise grâce aux quatre fusées est insuffisante pour les libérer totalement de l'attraction terrestre et ils rejoignent les couches denses de l'atmosphère à faible taux de descente en suivant les calculs élaborés par leur ingénieur en balistique. Si tout se passe suivant leurs prévisions, ils devraient boucler leur première orbite.
Mais la vitesse acquise en début de satellisation s'avère insuffisante et ils ne parviennent pas à décrire une orbite complète.
Ce n'est qu'une demie victoire mais assez significative tout de même pour les conforter dans leur entreprise.
L'équipe se remobilise afin d'équiper l'HSEV-2 de fusées plus puissantes mais les résultats ne sont pas à la hauteur de leur attente.
Les métallurgistes sont fous de joie, ils viennent d'achever leurs travaux ! Ils ont enfin réussi à surmonter toutes les difficultés rencontrées plus tôt dans l'élaboration de ce nouveau matériau, le graphène, matériau prometteur s'il en est, car il est 200 fois plus solide que l'acier ; il est très bon conducteur de la chaleur et de l'électricité et sa température de fusion est de 3900 degrés Celsius !
Il est flexible et s'autorépare. Il se présente sous forme de films superposables à l'infini enfin, pour résumer, il s'agit du matériau miracle qui va révolutionner le monde de l'industrie dans les années à venir.
La patience d'Elliott et de son équipe n'est pas déçue, ils peuvent donc dès à présent mettre l'HSEV-3 en chantier.
En attendant ils poursuivent leurs essais avec l'HSEV-2 et testent plusieurs types de fusées de puissances différentes sans résultats probants.
Ne trouvant pas « sur étagère » ce qu'ils cherchent, ils finissent par mettre au point avec l'aide d'ingénieurs spécialisés, un modèle spécialement adapté à leur appareil.
Le résultat ne se fait pas attendre et au premier essai ils réalisent leur première orbite complète ! L'HSEV-2 a accompli sa mission, il va maintenant laisser la place à son successeur.
Que de chemin parcouru en quelques années ! Elliott sent qu'il n'est plus très loin du but qu'il s'était fixé.
L'HSEV-3 est prêt. Les essais initiaux sont rapidement bouclés et l'on passe aux essais orbitaux. Les matériaux utilisés sur cet appareil permettent d'ouvrir un champ de vitesses jamais égalées. L'équipage peut maintenant réaliser autant d'orbites terrestres que souhaité.
Lors de l'étude de faisabilité de l'HSEV-3, les ingénieurs avaient prévu de l'équiper ultérieurement de trois moteurs spécifiques lui permettant, au moment opportun de le poser verticalement sur le sol lunaire.
Ces moteurs maintenant disponibles, sont donc implantés dans les logements prévus à cet effet dans l'épaisseur de l'aile, suivant un triangle équilatéral. En configuration lisse ils sont totalement invisibles. Avant leur emploi leurs tuyères orientables sont déployées sous l'appareil par un ingénieux dispositif semblable à un diaphragme d'appareil photographique.
Un train d'atterrissage rudimentaire composé de trois jambes d'acier munies d'amortisseurs complète le chantier de modifications qui a immobilisé l'appareil de longues semaines.
Aux essais il s'avère que la puissance des moteurs destinés aux vols verticaux est tout juste passable. Il en sera tout autrement sur la Lune où la gravité est nettement inférieure mais il est néanmoins décidé de les remplacer par des moteurs plus puissants offrant une meilleure marge de manœuvre.
Cette fois l'HSEV-3 dispose de tous les atouts pour faire la démonstration de sa capacité à aller se poser sur la Lune avec trois hommes à bord et de revenir se poser sur terre sur n'importe quel aérodrome, voire sur n'importe quelle plate-forme de quatre vingt mètres de côtés.
Pour le vol lunaire inaugural, Elliott est aux commandes, il a pour copilote Jack Mac'Carlson, la place de l'ingénieur de bord est occupée par Conrad Stone.
Ils sont assistés dans leur entreprise par une équipe au sol de la NASA chargée de suivre leur vol de bout en bout.
Deux orbites terrestres complètes leur permettent d'acquérir une vitesse suffisante pour mettre le cap sur la Lune. Les réacteurs sont éteints à Mach12 et les moteurs fusée prennent le relais puis ils sont éteints à leur tour. Ils ne sont rallumés qu'en orbite lunaire où une poussée inverse ralentit la vitesse de l'astronef. Une longue décélération les amène ensuite à la verticale du point de poser qui n'a pas été choisi par hasard : il s'agit de l'endroit précis où Elliott s'est posé quelques années auparavant avec le module lunaire dans le cadre de la mission « MSA ». La décélération achevée, les trois moteurs verticaux sont allumés, le train « d'alunissage » est déployé et l'HSEV-3 se pose majestueusement pour la première fois sur le sol lunaire. Un nuage de régolite aveugle temporairement l'équipage avant de retomber au sol.
Il n'est pas question pour cette fois de quitter l'astronef. Les trois hommes se contentent de filmer ce qui les entoure dont les modules gonflables déployés précédemment par Elliott et son coéquipier.
Ils passent ainsi deux heures sur la Lune puis après toutes les vérifications d'usage remettent en route leurs moteurs verticaux à tuyères orientables. Ils décollent, montent à une centaine de mètres et allument les moteurs fusée. Arrêt des moteurs verticaux, escamotage du train, l'appareil prend très rapidement de la vitesse en montée à faible taux.
A la vitesse requise les moteurs fusée sont stoppés. Prise de cap vers la Planète Terre.
A destination, satellisation, décélération, descente dans les couches denses de l'atmosphère, allumage des réacteurs et retour à la base d'Edwards.
La boucle est bouclée !
Elliott est très fier du travail accompli par son équipe. Il réunit tout les participants au projet et leur exprime ses chaleureuses félicitations et sa gratitude au cours d'un pot amical.
La réalisation et la concrétisation de son projet un peu fou vont dorénavant donner une autre dimension au vol spatial.
Les responsables de la NASA, jusqu'aux plus sceptiques qu'Elliott avait eu tant de mal à convaincre, sont tous maintenant totalement acquis à la cause et échafaudent déjà des plans ambitieux pour l'avenir.
L'exploration du système solaire peut enfin commencer !

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